Les cordes sensibles. Les blessures irritantes qui prennent plus longtemps pour guérir parce qu’on se cogne contre quelque chose, on les accroche ou, pire encore, on les gratte. Par conséquent, les blessures qui auraient dû guérir vite et facilement continuent d’être frottées, restent douloureuses et prennent une éternité pour guérir.
Tout comme les blessures physiques, on a tous des blessures émotionnelles (des cordes sensibles). Quand nos cordes sensibles se font frotter ou cogner, il peut y avoir de la friction et de la douleur dans nos relations.
Le Dr. Sue Johnson, fondatrice de Emotion Focused Therapy for couples (La thérapie conjugale focalisé sur les émotions) définit les cordes sensibles comme « la hypersensitivité formée par des relations dans le passé où au présent parce qu’un besoin d’attachement a été négligé, ignoré ou banalisé. Par conséquent, la personne se sent privée émotionnellement ou abandonnée. En voici deux exemples :
John passait ses veillées à boire, il ignorait les textos et les appels de Jan. Même après deux ans de sobriété, Jan vit encore avec une corde sensible d’un sentiment d'abandon et elle panique si John ne répond pas vite à ses textos ou s’il rentre tard à la maison. Elle finit par lancer des accusations, ce qui touche à la corde sensible de John (un sentiment de ne pas être à la hauteur).
Marty est un homme doux, comme son père, mais sa mère était colérique et abusait de lui verbalement. Aujourd’hui, si son épouse lève le ton, il se sent privé d’amour et de respect et il garde le silence et se retire. Par conséquent, Mary se sent abandonnée et s’en prend à Marty encore plus pour évoquer une réponse.
On lance un regard. On lève le ton. On rejette les câlins. Cela prend un nanosecond. Soudainement, un échange chaleureux et amusant cède à la solitude dans un couple.
Par exemple, l’épouse partage les événements d’une journée difficile avec les enfants et, bien que l’époux répond avec des paroles encourageantes, elle remarque un regard sceptique et un ton qui communique « Vraiment? Est-ce que c’était si difficile que ça? » Sur le coup, elle avait l’impression de passer un moment de partage et de renforcement des liens, maintenant c’est rendu un moment où elle se sent diminuée et négligée. Les émotions déclenchent des sensations physiques. L’expression faciale change. On se retourne et la douleur frotte une blessure au fond de soi. Des sentiments désagréables reviennent à la surface : il me trouve stupide, ce que je fais ne lui importe pas, je suis insignifiante.
Donc, on se parle, on s’en remet, on continue et la vie revient à la normale. On croit que l’incident a été résolu, mais il ne l’est pas. La même corde sensible sera cognée encore et encore après chaque événement déclencheur, (qui cause une douleur émotionnelle) ; et le pattern se répète.
Jusqu’à ce qu’on en guérisse.
Le Dr. Johnson dit que la guérison commence par l’identification des cordes sensibles et l’écoute des indices d’attachement qui sonnent l’alarme. Les indices d’attachement peuvent être positifs ou négatifs. Avec les indices positifs, on se sent aimés, en sécurité, avec des liens forts. Les indices négatifs menacent notre sentiment de sécurité parce qu’on se sent abandonné(e) par son (sa) partenaire en ce moment, ou bien privé(e) d’un besoin émotif qu’on recherche dans son (sa) partenaire. Les cordes sensibles ont tendance à évoquer une réponse combat-fuite dûe à un danger imminent pour la relation. Par la suite, la réponse combat-fuite peut apporter la colère, la peur, la honte ou la tristesse.
Notre réponse physique diffère selon le sentiment :
La colère : on veut se battre
La peur : on se sauve ou bien on reste figé(e)
La honte : on veut se cacher
La tristesse : on veut lâcher
On peut vivre toutes ces émotions en même temps ou en progression. On commence par la colère, on avance vers la honte, puis la peur et, finalement, on se résigne à la tristesse.
Si vous vivez un flot d’émotions, posez-vous ces questions :
-Qu’est-ce que votre partenaire a fait ou a dit qui a déclenché une réaction négative à ce moment-là?
-Quelle émotion négative avez-vous ressenti à ce moment-là?
-Dans quelle(s) partie(s) de votre corps l’avez-vous senti?
-Qu’est-ce que vous vouliez faire à ce moment-là?
Souvent, nos corps agissent avant que nos cerveaux puissent traiter l’incident cognitivement. Remarquer les réactions physiques peut offrir une perspective importante aux émotions qu’on vit. Avant de pouvoir partager ce qui se passe avec nos partenaires, il faut d’abord le comprendre soi-même! Le Dr Johnson nous offre ces suggestions pour nous aider :
- Pendant cet incident, l’élément déclencheur de mes émotions a été _____________
(ce qui a été dit ou fait)
- Sur la surface, j’ai probablement démontré _____________ (la réaction initiale, peut-être je me suis mis(e) sur la défensive, en colère, je me suis retiré(e)
- Dans le fond, je me sentais _______________ (un ou plus des émotions plus profondes comme la tristesse, la honte, la peur, une blessure, parce que je me sentais _____________________ (identifiez un indice d’attachement tel que négligé(e), un manque de respect, abandonné(e), diminué(e), privé(e) d’une réponse à un besoin, etc.)
- Puis j’ai réagi à cela en ______________________ (comment j’ai réagi)
Quand on est capables d’identifier les cordes sensibles et l’indice d’attachement qui semble être attaqué, on peut commencer à les partager avec son époux / épouse d’une manière douce et vulnérable plutôt que les partager avec la colère et un cœur blessé.
Voici un exemple : Pendant cet incident, l’élément déclencheur de mes sentiments crus était quand tu m’as dit que ce n’était pas grave quand j’ai partagé un problème au travail. Sur la surface, je démontrais probablement de la colère. Mais au fond de moi, je ressentais la honte et la peur que tu pensais que je n’étais pas capable de gérer la situation. Puis, j’ai réagi à cela en disant des choses à ton sujet qui n’étaient pas gentilles.
En tant que psychologue, j’ai été témoin de comment ce processus peut guérir des années, même des décennies de blessures dans les relations. Quand la personne vers qui on se tourne pour répondre aux besoins d’attachement et émotionnels et capable d’écouter nos émotions de base puis nous offre du réconfort et de la compréhension, cela change tout! Quand on lui fait part de nos besoins, les blessures (les cordes sensibles) commencent à guérir et l’alarme déclenchée par un besoin d’attachement qui n’est pas répondu se calme. Non seulement je l’ai vu dans ma pratique, mais je l’ai vécu dans mon propre mariage.
Après avoir appris ce concept et l’avoir utilisé dans ma pratique, j’ai décidé de l’essayer avec mon mari. Le pauvre, il est souvent mon cobaye pour les nouvelles idées de thérapie! On était en vacances et, lorsqu’on soupait, je lui ai demandé si je l’avais blessé de quelque manière au courant de nos plus de 30 ans de mariage. Il détecte toujours quand une conversation profonde s’en vient, donc il a répondu : « Non, mais j’ai l’impression que moi je t’ai blessée. » On a bien ri, parce qu’il m’a bien vu venir. Ce n’est pas un homme difficile et il était volontaire pour explorer la question avec moi.
Cela relevait d’il y a 30 ans, quand mon quatrième enfant venait de naître. On avait des jumeaux de 6 ans, un enfant de 4 ans et un nouveau-né. Après une grossesse difficile, où je suis restée à l’hôpital, alitée, j’étais malade avec un méchant rhume. Je n’avais personne pour m’aider et j’avais besoin qu’il reste à la maison avec moi. Mais, au lieu de rester à la maison avec moi, il a trouvé une dame douce d’un certain âge pour venir chez nous quelques heures par jour. Je me sentais abandonnée à un moment qui me semblait le pire moment de ma vie.
Au fil des années, j’avais essayé de mettre le sentiment d’avoir été abandonnée derrière moi et de continuer avec ma vie. Mais j’avais encore des moments où je ressentais une douleur profonde. Si on avait un conflit, cela frottait ma peine et je la ressentais de nouveau, profondément. Bien qu’on avait discuté de l’incident, je n’ai jamais été convaincu qu’il avait compris jusqu’à quel point c’était douloureux pour moi. Je crois que sa perspective était différente.
Cette fois-ci, dans le restaurant, en employant « l’approche sandwich »,
-j’ai partagé d’une manière plus profonde comment j’avais vécu cette période.
-j’ai partagé que je me sentais abandonnée à un moment très difficile.
-j’ai partagé que j’avais l’impression qu’il s’en foutait de ma peine.
Cette fois-ci, il m’a entendu, mais vraiment entendu.
Cette fois-ci, au lieu de tenter de se défendre, il s’est rejoint à moi dans ma douleur et j’ai vu qu’il a vraiment compris.
Cette fois-ci, ses excuses n’étaient pas faites pour la forme, pour tenter de se débarrasser du problème, mais sincères, des excuses qui venaient du cœur ; et je le savais.
L’effet du changement a été incroyable pour moi. Pour nous. Presque immédiatement, l’intensité de ce sentiment d’abandon s’est apaisée. Pour la première fois, j’avais l’impression que j’étais enfin prête à laisser aller ce sentiment. Aujourd’hui, mon alarme d’abandon ne sonne pas aussi souvent, voire plus du tout maintenant. Je me sens plus proche et plus en sécurité avec lui.
Un couple est fait de deux personnes imparfaites et, compte tenu de l’amour profond l’un pour l’autre, c’est sûr et certain qu’on va se blesser. À la lumière de ce constat, voici des questions à prendre en considération :
-Est-ce que votre époux / épouse vous a blessé d’une manière qui garde vos cordes sensibles saignantes?
-Avez-vous vraiment essayé de vous en remettre, mais la douleur sort occasionnellement?
-Y a-t-il des moments où vous vous sentez abandonné(e), mal aimé(e), qu’on vous manque de respect, que vous n’êtes pas protégé(e), qu’on vous fait honte?
La bonne nouvelle est que Dieu peut (et veut) nous guérir, pour que nos cordes sensibles ne soient pas continuellement frottées et qu’elles s’enflamment par la suite. La guérison commence par être à l’écoute des événements et d’être conscient(e) de ce qui déclenche nos blessures émotionnelles. Puis, nous pouvons prier pour que Dieu nous montre une manière aimante, douce et vulnérable de partager (nos sentiments) avec notre partenaire. En plus, nous pouvons faire appel à un professionnel pour nous soutenir et nous diriger lorsqu’on apprend à naviguer nos sentiments et les éléments déclencheurs de nos cordes sensibles. On apprend à partager nos sentiments d’une manière plus profonde, plus saine, qui apporte la guérison.
Tout ce qui a été mentionné ci-haut est un processus et, oui, cela prend du travail ; mais cela en vaut la peine, je vous le promets.